Chants mystiques séfarades
Naguila
1 disque – 12 pistes – Durée totale: 00:54:47
ED13118
Chants mystiques séfarades
Naguila
1 disque – 12 pistes – Durée totale: 00:54:47
ED13118
Depuis la destruction du premier et du second temple de Jérusalem, musiques et chants n’ont cessé d’accompagner le peuple juif dans son exil. Les séfarades, héritiers de la tradition musicale d’Al Andaluz, après leur expulsion d’Espagne en 1492 vont participer à l’essor culturel de tout le bassin méditerranéen et influencer la vie musicale de villes comme Thessalonique, Constantine, Tlemcen, Tétouan… Autant de lieux, autant de poèmes et de musiques qui forgent les mémoires.
Dans la musique liturgique, le hazan-cantor et le paytan (poète-musicien liturgique) jouent un rôle particulier dans l’introduction des mélodies étrangères au sein de la musique de la synagogue. Ils mettent en œuvre leurs talents pour accroître l’impact émotionnel des prières et représentent le pivot du rituel. Des ensembles les accompagnent parfois devant un public non-juif à l’occasion de mariages ou d’autres cérémonies. Ils utilisent des suites populaires, sans rien changer aux textes poétiques d’origine, comme les muwashshahat en arabe classique ou en dialecte andalou.
Chantre de la synagogue de Montpellier, André Taïeb a été initié à l’art du malouf constantinois par le grand maître Cheikh Raymond, grande figure de la musique arabo-andalouse de l’Est algérien. Héritier de cette tradition musicale venue de l’Espagne médiévale il nous livre avec l’ensemble Naguila ces chants dans leur authenticité et leur force originelle.
André Taïeb chant / voice
Kamal Berrada oud, ney
Mohamed Zeftari violon
Pierre-Luc Ben Soussan percussions
1 – RAHAMEKHA (Your mercy)
A piyyut for happy times. The music belongs to the classical Constantine se- phardic repertoire (malouf).
The mawwal (a free and improvised introductive poem) says : “Heaven above proclaims His glory and the Earth is also full of His mercy. See what the Lord created with His own hands. He is the image of perfection”…
isrc : FRV639900023
2 – SAMAÏ AL BAYATI / LEKHA DODI
A classical samaï of the ottoman school, in bayati mode. Anonymous compo- ser. This samaï often belongs to the hazan’s repertoire. Naguila added a piece in triple time to it (a frequent occurence with samaï) : an instrumental ver- sion of the famous poem Lekha Dodi, by Salomon Halevi Alquabetz (Safed, 16c.). This Sabbath hymn combines mystical symbolism and messianic hope. Sung in every Jewish community on Friday night as an introduction to Sabath which is compared to a bride.
isrc : FRV639900024
3 – LAKEL ACHER SABBATH
A Sabbath prayer sung piyyut- like. The mawwal would then be used to express any personal inspiration.
The Sabbath celebration is particularly solemn, its atmosphere dominated by doctrines relative to the role of man in the restoration of the cosmic order. “To the Eternal One who, His deed accomplished, rested on the seventh day, rose to Heaven and sat on His divine throne, to Him who gave the day of rest His splendour, and called “delight” the day of the Sabbath.”
Principal mode : bayati
isrc : FRV639900025
4 – KI ECHMERA CHABBAT
Sabbath piyyut composed by Abraham Ibn Ezra (1092-1167), introduced by a typical Constantine-style mawwal. Every Jewish community adopted the Qab- balat Sabbath, with piyyutim composed by mysticists and kabbalists. “When I respect Sabbath, the Lord protects me, it is for ever a sign between Him and me”.
Here in its original version in Arabic, with music by Houssi Shaoui. Mode : sahli (corresponding to the oriental nahawand)
isrc : FRV639900026
5 – TAKSIM (INSTRUMENTAL) VIOLIN Mode : hijaz (Mohamed Zeftari)
isrc : FRV639900027
6 – YSMAH HATANI
Weddings and related ceremonies are certainly the most important events
in the life of North African sephardic communities. In Constantine, Jewish wedding ceremonies last for several days, punctuated by songs. Music is om- nipresent, from the first exposition of the bride’s trousseau to the last ritual bath. This song in praise of the newly-weds is from the Machrek. Its Arabic version is called Al-Ouzoubia.
“May the newly-wed rejoice in the assembly of the faithful”. Mode : Nihawand.
isrc : FRV639900028
7 – LA CHIRA
Canticle of the Red Sea. A chanted recitation of the Sefer Thora (Bible) with cantillations, Constantine-style. The singing is codified according to pre-es- tablished melodic ranges, called tahamim.
The taham – a neumatic sign written above or under the text – never varies, but both the musical mode and the ornementation may change according to the particular musical traditions of different communities.
isrc : FRV639900029
8 – YODOUKHA R’AYONAÏ (instrumental)
A popular song from Istanbul : “Uskudar”, common throughout Machrek and Maghreb, and familiar to all their Jewish communities. It has been a great source of inspiration for the paytanim (piyyut singers). Also found in Egypt, in a quadrilingual version.
Mode : nihawand.
isrc : FRV639900030
9 – ACHORER CHIRA
This Andalusian-style hymn bears testimony to a still vivid Spanish influence in Jewish liturgy.
The introduction mawwal says : “Glorify the Lord with sweet-voiced song and the sound of instruments through which He gave a nation the Torah”. Mode : nihawand.
isrc : FRV639900031
10 – TAKSIM (INSTRUMENTAL) ‘UD. – Mode : nihawand and rast (Kamal Ber- rada)
isrc : FRV639900032
11 – LAKHEM
This piyyut is sung at major feasts like Sukkot or Shavuot in Algeria.
isrc : FRV639900033
12 – KADOUK AL MAYAS
Instrumental. Traditional oriental music used to illustrate piyyut
isrc : FRV639900034
RENCONTRES ENTRE MUSICIENS JUIFS ET MUSULMANS
La musique et la religion sont unies par une quantité innombrable de liens réciproques. Ces influences mutuelles ont imprimé leurs marques sur la musique juive de l’Antiquité à nos jours. L’infiltration au sein de la musique sacrée des airs populaires et profanes issus de l’environnement non-juif fut facilitée par le désir naturel d’augmenter l’impact émotionnel des prière par une dimension musicale enrichie.
Comme pour chaque communauté itinérante ou de grande diaspora, la musique judéo-maghrébine s’est constituée suivant une stratégie que l’on pourrait appeler d’emprunt ponctuel adoptant temporairement des modèles types et systèmes musicaux des cultures d’accueil. On peut considérer qu’éloignés de leur source originelle, les juifs créatifs ont inévitablement été influencés par leur nouvel environnement dans les contrées de la dispersion.
C’est en Andalousie musulmane que le prototype de la musique arabo-andalouse a pris naissance. Après la conquête musulmane en 711, l’Espagne a été le lieu de rencontre et d’interaction culturelle entre des groupes appartenant aux trois religions monothéistes et à différentes ethnies. Les juifs qui ont par- ticipé activement à l’élaboration de la musique andalouse vivaient depuis plu- sieurs siècles dans la péninsule ibérique et devaient détenir un répertoire musical marquant le rythme des événements de la vie sociale et communautaire. On suppose que ce patrimoine a influencé le style arabo-andalou et a subsisté, tout en coexistant avec la musique nouvellement élaborée. Certains écrits attestent de la virtuosité des musiciens juifs qui devaient être de tout premier ordre.
Dans la musique liturgique le hazan-cantor et le paytan (poète-musicien liturgique) ont joué un rôle particulièrement actif dans l’introduction des mélodies étrangères au sein de la musique synagogale. Le cantor ou le paytan utilisent tous les deux leurs talents poétiques et leur voix pour accroître l’impact émotionnel des prières et représentent le pivot de l’office religieux. Des ensembles accompagnent parfois des paytanims synagogaux chantant des hymnes reli- gieux tout en se produisant devant un public non-juif. Ainsi les musiciens juifs du Maghreb dans les mariages et autres cérémonies jouaient, chantaient les suites les plus populaires, sans rien changer aux textes poétiques qui leurs sont propres, comme les muwashshahat originels en arabe classique ou en dialecte andalou.
Dans la société juive maghrébine, la création musicale associée à la création poétique, se préoccupe de sauvegarder l’intégrité de la foi et de la pensée.
Dans l’esprit des auteurs, l’une des motivations poétiques et la pratique du chant se rejoignent pour détourner le juif de la production musicale profane exprimée en langue étrangère, en lui offrant des compositions en langue hébraïque exécutées sur des thèmes mélodiques anciens répandus dans le milieu environnant à dominante arabe, dans le milieu arabophone, ou de vieille tradition castillane en milieu hispanique.
LE PIYYUT
A l’origine les piyyutim – poèmes liturgiques- étaient composés pour rehausser les prières. Le cadre structurel de la plupart des piyyutim se cristallisa et s’épanouit d’abord en Palestine, en Babylonie puis dans d’autres pays.
Au Xe siècle, l’Espagne devint le plus grand centre de production de piyyutim. Pendant les cinq cents années qui suivirent, ce genre littéraire fleurit au contact direct de la poésie arabe. Après le XVe siècle et l’expulsion des juifs d’Espagne qui mit fin à l’existence de cette communauté, on vit s’épanouir le piyyut de style espagnol du Yemen jusqu’à la Tunisie et du Maroc jusqu’à Alep. Depuis son origine, le piyyut était destiné à être chanté et il s’enrichit peu a peu de diverses modifications. Il se mit ainsi progressivement à empiéter sur les domaines de la musique liturgique et extra-liturgique. A la différence du piyyut ancien ou classique, le piyyut espagnol emprunta à la poésie arabe quasidah de nombreuses caractéristiques formelles de première importance dans le domaine de la rime et du rythme . C’est ainsi que les procédés de la métrique de la poésie arabe furent adaptés à la poésie hébraïque sous le nom de yetodot. La fidélité des juifs du Maghreb au chant andalou apparaît dans les mécanismes de substitution du texte hébraïque au texte arabe primitif ; le premier se conformant aux lois prosodiques du second , se pliant ainsi aux exigences de sa métrique et respectant jusqu’à l’emplacement des vocalises de liaison yala-lan et de nanisation (na-na). Les deux versions musicales concordent parfaitement et les lignes mélodiques se recouvrent exactement. Mais au niveau de la thématique, les textes ne se superposent en aucune façon : le poète juif a des préoccupations qui concernent la foi et la liturgie, alors que les compositions qu’il adapte sont souvent de caractère profane, véhiculant la poésie laudative ou érotique.
Les baqqashot représentent un genre musical chargé de spiritualité juive en même temps qu’un trait d’union, entre la musique maghrébo-andalouse et la poésie hébraïque. Le besoin accru de piyyut a stimulé la créativité des poètes imprégnés des mystiques et a induit une poésie riche dont les hymnes du rabbin Israël Najjara (utilisés dans les baqqashot syriennes et marocaines). Dans les baqqashot chantés dans la nuit du vendredi au samedi, le répertoire se répartit en plusieurs séries de piyuttim. Inspirés du modèle arabo-andalou de la nouba, ils reflètent ses affinités profondes avec la culture locale .
Soulignons ici, le phénomène d’interaction qui existe entre musiciens musul- mans et juifs dans le processus de cristallisation et d’évolution d’une tradition commune dans l’univers judéo-maghrébin. Dans ces musiques il est difficile pour l’observateur de déterminer d’une part ce qui provient de source juive ou de source arabe et d’autre part de distinguer l’innovation de l’emprunt. Ceci permet aux artistes de faire valoir leur créativité et leur virtuosité. Dans cette créativité l’interprète se fonde sur les données du maqam, concept modal spécifique à la musique du proche orient et des pays du Maghreb. Le musicien y puise la matière première de sa propre composition et le maqam peut ainsi être considéré comme la base permettant de composer une musique en per- pétuelle genèse. Dans ce cadre, tout en étant tenus de se conformer à de règles, les musiciens juifs et arabes jouissent d’une assez grande liberté.
Direction artistique / artistic supervisor Pierre-Luc Ben Soussan
Enregistrement / recording Boris Darley , studio la Buissonne (Pernes les Fontaines), mars / March 1999
En couverture / front cover Bible Solsona, 1384
Photos : Marcel Mekies
Notice / liner notes by Sami Sadak – Geneviève Begou (english translation)
Direction de production : Catherine Peillon
Coproduction association Mosaïque musiques, P.L Ben Soussan, L’empreinte digitale Numen
avec le soutien de la drac languedoc roussillon, du centre languedoc roussillon
des musiques et danses traditionnelles
et de la ville de Montpellier
Merci à Philippe Fanise, Marcelle Camra Ben Soussan Corinne Charles, Olivier Marotin & André Chouraqui
ED13118 – 742495311826
La simultanéité de propos et d’argumentation entre juifs et non-juifs vivant dans des lieux très éloignés les uns des autres, reflète la communauté d’esprit et les rap- ports entre musiciens musulmans et juifs à travers les âges. Partageant la même expérience émotionnelle, le même mode de vie, les mêmes normes d’expression et adhéraient par ailleurs, aux valeurs magnifiées par les auteurs anciens et modernes.
Dans les années soixante, la France a accueilli une forte communauté en prove- nance d’Afrique du Nord. Malgré le déracinement, les juifs ont su conserver les rites et les chants de leur communauté d’origine.
Pierre -Luc Ben Soussan, conscient qu’aujourd’hui les détenteurs de ces traditions sont âgés, sait que le risque de perdre ce riche patrimoine et de voir disparaître une partie de la mémoire collective est grand. Se sachant entouré de musiciens pouvant s’exprimer à travers un même langage affectif au-delà de toute barrière linguistique, il s’est attelé à sauvegarder et enrichir l’héritage commun.
A la suite d’un collectage des chants de synagogues de Montpellier qu’il a effectué, soutenu par l’association Mosaïque Musiques, la DRAC et le Centre des Musiques et Danses Traditionnelles Languedoc-Roussillon, il a créé l’ensemble Naguila pour travaille sur ce répertoire musical et le faire connaître à un large public.
Hazan (chantre) de la synagogue de Montpellier, André Taïeb a été initié à l’art du malouf constantinois par le maître Cheikh Raymond, grande figure de la musique arabo-andalouse de l’Est algérien. Héritier de cette tradition musicale, il nous livre avec l’ensemble Naguila ces chants dans leur authenticité et leur force originelle.
Enregistrer