Kengir – Phénix – Brûlis – Figures – Aulodie
François-Bernard Mâche
1 disque – 13 pistes – Durée totale : 01:03:26
REF : ED13228
Kengir – Phénix – Brûlis – Figures – Aulodie
François-Bernard Mâche
1 disque – 13 pistes – Durée totale : 01:03:26
REF : ED13228
L’attention de Mâche s’est portée depuis les années 1980 sur la recherche et l’analyse de «génotypes » musicaux universels, dont il a rappelé la définition dans un livre récent, Musique au singulier : « Dans l’interprétation que j’essaie de proposer, l’archétype est une image flottant dans l’inconscient ; les génotypes sont les schèmes dynamiques qui marquent son passage à la conscience en tant que programme d’action ; les phénotypes sont les résultats sensibles de ces processus de pensée ».
Accroche note
Françoise Kubler, soprano
Armand Angster, clarinette/clarinette basse
Marie-Violaine Cadoret, violon
Gregory Johns, violoncelle
Michèle Renoul, piano
Emmanuel Séjourné, vibraphone/marimba
Compositeur
François-Bernard Mâche
1 – 5. Kengir (1991) – 19’27 cinq chant d’amour sumériens pour voix de femme et échantillonneur
1. Inanna – 4’24
FRV630700007
2. Enlil – 2’19
FRV630700008
3. Shusin – 3’38
FRV630700009
4. Kubatum – 4’04
FRV630700010
5. Dumuzi – 5’01
FRV630700011
6. Phénix (1999) – 9’32
pour percussion solo
FRV630700012
7 – 11. Brûlis (1999) – 15’55
pour clarinette, violoncelle et piano
FRV630700013
FRV630700014
FRV630700015
FRV630700016
FRV630700017
12. Figures (1983) – 7’07
pour clarinette basse et vibraphone
FRV630700018
13. Aulodie (1983) – 10’57
pour clarinette piccolo et sons enregistrés
FRV630700019
L’attention de Mâche s’est portée depuis les années 1980 sur la recherche et l’analyse de «génotypes » musicaux universels, dont il a rappelé la définition dans un livre récent, Musique au singulier : « Dans l’interprétation que j’essaie de proposer, l’archétype est une image flottant dans l’inconscient ; les génotypes sont les schèmes dynamiques qui marquent son passage à la conscience en tant que programme d’action ; les phénotypes sont les résultats sensibles de ces processus de pensée ». Pour Mâche, la répétition, l’ostinato, le refrain, le canon, la litanie, le répons etc. représentent de tels procédés, que l’on retrouve dans toutes les cultures musicales et dont l’universalité suggère au compositeur d’y recourir, sous peine que son œuvre ne reste qu’un jeu d’écriture, stérile et désancré. Il s’agit en somme – autre geste de retour – de s’approcher d’un niveau mythique, « plus profond, plus archaïque que celui du langage. J’appelle ce niveau mythique, non pas en faisant allusion à des récits constitués, mais à des images (sonores en particulier) primordiales, propres à engendrer des mythologies ». Si Mâche en tant que musicologue a donc bataillé longtemps contre une conception de l’ethnomusicologie qui refusait l’idée d’universalité (en comprenant toute activité « artistique » uniquement comme pratique sociale explicable à partir d’un certain contexte), le compositeur s’est trouvé quant à lui deux fois en porte-à-faux : en introduisant dès les années 60 dans sa musique des bruits naturels, des sonorités et des couleurs évoquant d’autres cultures, des mélodies et des régularités perceptibles, puis, dans les années 80, quand l’idéologie de l’hybridation et du métissage des cultures a semblé parodier par des objets souvent douloureux ce qui était chez lui le fruit d’une recherche précise et passionnée.
Il va de soi que le projet compositionnel de Mâche ne se résume pas à la réalisation de tels « génotypes » ; lui-même indique le caractère fragile ou heuristique de ces concepts théoriques, face auxquels la composition doit revendiquer sa liberté : par exemple, comme il écrit encore dans Musique au singulier, « la grande déchirure initiale de Metastasis de Xenakis ne renvoie à aucun archétype connu. La réponse est double : d’une part l’inventaire des archétypes est encore très incomplet ; et d’autre part rien ne prouve que toute forme musicale prégnante doive nécessairement se référer à des archétypes (…). Il ne saurait y avoir querelle entre naturalisme et culturalisme que si un esprit de système prétendait en évincer un autre». Dans la culture occidentale, même ainsi mise en perspective par Mâche, l’œuvre musicale est toujours ce qui dépasse et redéfinit la musique. Tantôt, le modèle sera repris presque comme par décalcomanie (comme dans Kemit, solo de darbouka), tantôt le compositeur évoque les « peinturlurages » de crânes tels qu’on les rencontre en Mélanésie. Cette transposition, ce passage à un niveau supérieur et cette libre distance pourraient aussi se lire dans le rapport de Mâche aux modèles linguistiques, qui va d’une approche plus structuraliste dans Safous Mélé (déployant un système de correspondances entre les phonèmes d’un poème grec et des unités musicales) au rapport plus poétique à la langue sumérienne dans Kengir : « Lorsque ma musique s’empare de ces langues oubliées, elle ne fait que remplir la fonction qui lui est dévolue depuis le temps immémorial de son divorce d’avec la parole : si ces langues sont mortes, c’est que le message qu’elles véhiculaient a perdu le pouvoir ou le goût de se perpétuer. Mais, comme il reste quelquefois un parfum dans des flacons vides, ce qui demeure de leur substance sonore a gardé quelque chose des émotions et des pensées irremplaçables qu’elles avaient un temps animées ».
Les archétypes universels peuvent ainsi se comprendre simplement comme un programme poétique, ouvrant un espace où l’on joue avec des modèles mais où, comme toujours, tout est dans le tempérament, l’habileté du meneur de jeu, dans l’acuité de son oreille, son sens des couleurs et du parcours formel. Filtrés par un tempérament créateur, les modèles naturels ont donné autre chose chez Rameau, Messiaen ou Xenakis ; et l’image de la vague tour à tour un frémissement impressionniste dans Motivo degli oggetti di vetro de Sciarrino, l’élégance debussyste des Waterwaves de Takemitsu, et l’étonnante âpreté de La Peau du silence ou L’Estuaire du temps de Mâche. Bien des fois, on aimerait revenir, pour cerner sa musique, au vocabulaire des premières critiques de l’œuvre de Debussy, qui cherchait à ouvrir très grand les fenêtres de la musique, à faire entrer de l’air frais dans le salon ; ce réflexe est d’ailleurs significatif pour une culture musicale perpétuellement saturée de références occidentales. La musique de Mâche a quelque chose de cru, de franc, parfois de naïf (les sons synthétiques un peu rustiques d’Aulodie…) ; aux demi-teintes elle préfère souvent l’opposition de couleurs tranchées (comme ici dans Phénix et Figures) ; elle a quelque chose de tonique, de vitaminé, et même d’un peu al dente, si l’on ose dire. Si elle n’ennuie jamais, ce n’est pas parce qu’elle serait à l’affût de surprises, mais parce qu’elle réalise plutôt les deux sens du mot latin sapienta, tels que les rappelait Barthes : savoir aussi bien que saveur.
Martin Kaltenecker
REF : ED13228 – NT088
EAN : 0826596025483
ACCROCHE NOTE
Ensemble de solistes formé autour de Françoise Kubler (soprano) et Armand Angster (clarinettiste), Accroche Note investit de manière multiple le répertoire des musiques d’aujourd’hui.
Chaque programme décide de la personnalité et du nombre de musiciens qui constituent l’ensemble. La souplesse de son effectif – du solo à l’ensemble de chambre – lui permet d’aborder en différents projets les pages historiques, la littérature instrumentale et vocale du XXème siècle, mais aussi l’improvisation au travers du jazz et des musiques improvisées.
Depuis plusieurs années, l’ensemble développe une politique de commandes et travaille en étroite collaboration avec les compositeurs. Parmi les créations récentes d’Accroche Note figurent notamment des oeuvres de Wolfgang Rihm, Ivan Fedele, Ahmed Essyad, François-Bernard Mâche, Betsy Jolas.
L’ensemble est régulièrement invité dans de nombreuses saisons musicales nationales, ainsi que dans les grands rendez-vous internationaux de musique contemporaine, à Musica Strasbourg, Présences Radio France, Stockholm New Music Festival, Traiettorie à Parme, à Tokyo au Japon, au festival Slowind à Ljubljana (Slovénie), aux universités de Syracuse et de Cornell (Etats-Unis)…
Il a consacré de nombreux disques à des portraits monographiques (Dillon, Dusapin, Manoury, Mâche, Feldman, Aperghis, Fedele) et plus récemment Olivier Greif (L’office des naufragés chez Triton) et Betsy Jolas (Ventosum vocant chez Universal).
Accroche Note est un ensemble conventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication – Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Alsace, et soutenu par la Ville de Strasbourg, la Région Alsace, la Spedidam et la Sacem.
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