de Zad Moultaka, compositeur
par Pablo Márquez, guitare
premier opus de la collection « œuvre par œuvre »
EDN001
de Zad Moultaka, compositeur
par Pablo Márquez, guitare
premier opus de la collection « œuvre par œuvre »
EDN001
Calvario (23’) est une œuvre singulière, puissante, qui possède toutes les qualités pour entrer définitivement dans le répertoire du XXIe siècle. Créée en 2007 à la Fondation Royaumont, elle a déjà beaucoup voyagé en Europe, au Canada, au Liban, sous les doigts de plusieurs guitaristes et principalement ceux de son créateur Pablo Márquez.
L’empreinte digitale publie une version enregistrée de Calvario en présence et du vivant du compositeur, Zad Moultaka par le créateur de l’œuvre Pablo Márquez.
L’enregistrement numérique est disponible – avec ou sans partition – sur les plateformes de téléchargement, associant ainsi édition musicale et édition phonographique.
Calvario pour guitare et sons fixés
de Zad Moultaka, compositeur
par Pablo Márquez, guitare
Calvario pour guitare et sons fixés
23 ‘ 2008
Commande de la Fondation Royaumont
création le 4 octobre 2008
par Pablo Márquez
1. Jésus est condamné à être crucifié
isrc : FRV631400001
2. Jésus est chargé de sa croix`
isrc : FRV631400002
3. Jésus tombe pour la première fois sous le poids de la croix
isrc : FRV631400003
4. Jésus rencontre sa mère
isrc : FRV631400004
5. Simon de Cyrène aide Jésus à porter sa croix
isrc : FRV631400005
6. Sainte Véronique essuie le visage de Jésus
isrc : FRV631400006
7. Jésus tombe pour la deuxième fois
isrc : FRV631400007
8. Jésus rencontre les femmes de Jérusalem qui pleurent
isrc : FRV631400008
9. Jésus tombe pour la troisième fois
isrc : FRV631400009
10. Jésus est dépouillé de ses vêtements
isrc : FRV631400010
11. Jésus est cloué sur la croix
isrc : FRV631400011
12. Jésus meurt sur la croix
isrc : FRV631400012
13. Jésus est détaché de la croix et son corps est remis à sa mère
isrc : FRV631400013
14. Le corps de Jésus est mis au tombeau
isrc : FRV631400014
les 14 titres correspondent aux 14 mouvements d’une même œuvre, il convient de les écouter enchaînés sans pause entre les pistes
Calvario
Zad Moultaka a choisi l’image de la Via Crucis, les quatorze stations du Chemin de Croix, pour sa première pièce pour guitare et sons fixés.
Il écrit que ce sont les trois chutes du Christ qui l’intéressaient et constituaient autant de paliers où modifier l’accord de la guitare pour la tirer vers des sonorités étranges, proches du oud, le luth arabe.
Souvenir perdu, la foi est comme la maison grand-maternelle.
Foi qui disparaît soudain au beau milieu de la guerre. Dieu a déserté le monde se dit l’enfant, qui gardera serré sur son cœur la féérie des cérémonies, la tension émotionnelle de la liturgie, les parfums d’encens, toute la chaleureuse affection, la sensorialité de l’église d’orient. Son énergie poétique, la tristesse du jeudi, la gravité du vendredi, le silence du samedi jusqu’à l’éclatement de l’aube du dimanche. Il en retient un sentiment poignant d’ « infinie tendresse » qu’il déplace.
« Quelque chose de très doux qui se recentrerait sur l’Homme suite à la défection de Dieu, comme si la déception s’était muée en compassion pour l’humain », dira-t-il.
Paul écrit au Corinthiens « Lorsque j’étais enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant ; lorsque je suis devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui était de l’enfant »1.
Le compositeur, lui, effectue un chemin strictement inverse.
Comme les poètes Mahmoud Darwich ou René Char, il veut faire croître sa part d’enfance.
La Passion du Christ que les Grecs nomment Pathos (épreuve, expérience) et les Arabes Elem (les Douleurs), est une catabase, comme les antiques descentes aux enfers, celles de Gilgamesh, d’Orphée, d’Héraclès, et d’Énée. Le Christ est le portitor vitae, il délivrera les âmes de la mort.
La catabase permet le franchissement, la transgression absolue.
Elle permet de circuler entre les plans de réalité visible et invisible, entendons aussi audible / inaudible. Voyage abyssal, vertige, à la recherche d’un lieu, d’un destin incontournable, d’une poussée inexorable. D’où vient le silence, où va-t-il ?
Or c’est un sujet que Zad Moultaka a traité à plusieurs reprises (Lama Sabqtani, La Passion selon Marie).
L’œuvre passe d’abord par le « champ des pleurs », elle suit les étapes du Calvaire, d’une façon presque figurative, mais si intériorisée qu’elle en devient abstraite, qu’en ressortent épurés les affects, le chagrin, la douleur, la phénoménologie de la Passion.
« Je ne crois pas littéralement à l’Évangile, mais dans une fugue de Bach, la crucifixion est là, on entend les clous. Je cherche sans cesse, dans la musique, là où l’on enfonce les clous… » 2 dit György Kurtág .
Et Jean-Sébastien Bach, en particulier sa Passion selon Saint-Matthieu, a frappé l’imaginaire du compositeur libanais.
La présence des sons fixés (matière entièrement guitaristique que le compositeur a forgée de chaque parcelle du corps de l’instrument) ouvre cet autre espace, jouant sur la sensation de proche et de lointain, d’intime et d’extérieur. L’électronique donne une épaisseur extraordinaire à la guitare (intimiste et peu spatiale en général), renforçant en même temps le jeu dramatique.
Loin des images pathétiques ou confites de religion, Calvario est une véritable Passion instrumentale, s’inscrivant en même temps dans la tradition dramatique et dans un véritable questionnement de la douleur, de la vie et de la mort.
1 1Cor 13,11
2 Mots-clefs, troisième entretien avec Bálint András Varga
Catherine Peillon
A propos de « Calvario » pour guitare et sons fixés*
En 2006 au moment de l’écriture du concerto pour piano et orchestre, je voulais détendre les cordes du piano jusqu’à deux octaves de sa tessiture habituelle, le transformant ainsi en un énorme corps résonnant, en un nombre infini de cloches, d’harmoniques, de sons d’églises et de buffets remplis de verres et de ferrailles qui ont longtemps bercé mon imaginaire.
Mon accordeur m’expliqua que l’instrument allait probablement exploser, je mesurai donc vite le danger de mon entreprise !
La question du tempérament ou plus exactement du dé-tempérament n’est pas pour moi un lieu d’expérimentation ou de spéculation pour l’écriture ou le langage. Elle est essentielle dans ma quête et dans la réappropriation d’éléments de la mémoire, du passé, quelle que soit la part de reconstruction mentale consciente ou inconsciente qui s’y est mêlée.
Je voudrais m’arrêter un instant sur cette pièce du fait de sa résonance particulière avec l’aventure «explosive» du concerto pour piano.
L’envie d’écrire une grande pièce pour guitare fut stimulée à la fois par la rencontre avec Pablo Màrquez, par ma totale méconnaissance de l’instrument, et le thème des quatorze stations du Calvaire du Christ, qui s’est imposé à moi avec beaucoup d’insistance.
Ce qui m’a interpellé de prime abord dans le Chemin de Croix, ce sont les trois moments qui représentent la « chute » du Christ. Car si dans l’islam, pour arriver à Dieu, le derviche tourne autour de lui-même et crée ainsi un mouvement circulaire horizontal, il m’apparaissait soudain que dans le christianisme cette quête se traduit par le fait de chuter et de se relever incessamment, créant un mouvement circulaire plutôt vertical.
Je m’aperçus aussi très vite que les chutes sont au nombre de trois et que la guitare avait six cordes. Me vint alors l’idée qu’à chaque chute, une des cordes de la guitare pouvait « chuter » elle aussi, en se dé-tempérant et en rejoignant la corde voisine (bien tempérée) à l’intervalle d’un quart de ton. Transcrire ainsi une idée d’une manière aussi littérale, peut paraître naïf, mais je pense qu’elle prend ici tout son sens. Détendre une corde à un quart de ton de la corde voisine permet de rapprocher la guitare de certaines sonorités du oud… qui a longtemps bercé mon imaginaire…
Ainsi, au fur et à mesure que la pièce se déroule et après chaque «chute», la guitare se relève et se transforme dans son intimité la plus profonde. Elle devient porteuse d’une identité bien tempérée (si chère à l’occident) et d’une autre bien dé-tempérée (si chère à l’orient). J’ai découvert à ma grande stupéfaction, qu’elle avait déjà tout cela en elle, qu’elle garde d’une manière très secrète…
Nous sommes à la neuvième station. L’instrument a trois cordes «normales» Mi Ré Si et trois autres (tout aussi normales) à un quart de ton d’intervalle Mi+ Ré+ Si+. Alors que l’idée de chute et de relèvement est toujours présente, le mouvement général de la pièce est celui d’une descente en abîme puisque la fin du calvaire est la mise au tombeau. Il me parut évident qu’il fallait assumer ce mouvement et l’emmener, paradoxalement, à son degré le plus élevé… C’est ainsi qu’à la dernière station « la mise au tombeau », alors que le guitariste joue d’une façon obsessionnelle le même accord, il détend une à une toutes les cordes de la guitare et arrive dans des zones inexplorées de sa tessiture. L’instrument change encore de couleur et va vers son ultime transformation. Alors qu’il se trouve au plus bas de ses soubassements, surgissent de magnifiques harmoniques graves, dernier mouvement ascensionnel de la pièce.
Reste à savoir si la guitare s’est véritablement rapprochée de Dieu…!
* extrait de la note de programme Saison Royaumont 2007
Zad Moultaka
La Passion selon Zad Moultaka
Approcher un chef d’œuvre signifie toujours se plonger dans de multiples niveaux de lecture, car il n’en existe pas un – du moins à ma connaissance – qui ne demande une perception élargie ainsi qu’une réflexion approfondie sur ses différentes implications, qu’elles soient d’ordre historique ou instrumental.
Tel est le cas pour Calvario, pour guitare et sons fixés de Zad Moultaka. Dans cette œuvre, qui se veut une incarnation musicale des quatorze stations du Chemin de Croix, sorte de Passion pour instrument seul— unique en son genre dans l’histoire de la musique —, il y a une grande densité de contenus symboliques et musicaux. Ceux-ci obligent l’interprète à puiser dans ce qu’il y a de plus profond dans son être pour pouvoir assumer l’œuvre et en exprimer le large éventail d’émotions, qui vont de la violence la plus insupportable à la désolation et— peut-être — à l’espérance.
En tant que guitariste, j’ai été confronté à de vrais défis pour ajuster ma technique aux besoins de l’œuvre. Le nombre incroyable de trouvailles instrumentales feront certainement de cette pièce — j’en suis convaincu — un jalon dans l’histoire de l’écriture pour guitare.
Le décor est planté d’emblée, entre les accords dramatiques d’ouverture — quatorze accords, comme les stations du Chemin de Croix (ainsi, la première station englobe et anticipe déjà toutes les autres, tel le Destin inéluctable) — et les notes répétées de façon obsessionnelle produites par la main droite, qui va jusqu’à jouer à côté même de l’endroit où la main gauche tient les accords, reduisant ainsi à son minimum absolu la longueur de corde vibrante. Avec pour effet la production d’un étranglement qui correspond parfaitement au climat émotionnel du propos musical.
Entre ce geste instrumental inédit et la fin de la pièce — où l’interprète doit désaccorder progressivement la guitare, le laissant sans aucun repère connu —, il y a une myriade de nouveautés dans l’écriture : des pizz. Bartók latéraux de la sixième corde qui font « zinguer » la corde voisine, des notes dont la hauteur est déterminée par la main droite et non par la main gauche, une très grande variété de tapping – notes produites en percutant avec les deux mains sur la touche – souvent avec des dynamiques indépendantes pour chaque main, des pizz. sans hauteur définie, produits par la seule main droite, des sifflements de cordes frottées, l’utilisation du souffle et de la voix, et ce geste ultime des mains croisées au moment de la Crucifixion. Autant de procédés qui rendent l’œuvre prodigieuse, sans pour autant en faire un catalogue d’effets puisque chaque geste correspond en profondeur à une nécessité musicale impérieuse. Et plus prodigieux encore le fait que Zad Moutaka ignorait tout de la guitare jusqu’au moment où il a décidé d’écrire pour elle, et découvert ses secrets par lui-même.
Mais si il y a un aspect de Calvario qui rend l’œuvre unique, il s’agit bien du désaccord de l’instrument. Ce procédé instrumental a été pratiqué par bien des compositeurs — certains avec une scordature fixe, d’autres qui demandent de changer l’accord de l’instrument au fur et à mesure de la pièce elle-même —, mais personne n’a osé aller aussi loin que Zad Moultaka, qui, au-delà de l’utilisation des deux techniques à la fois, en a érigé le principe en geste fondateur de l’œuvre. Il l’a associé aux trois chutes du Christ, ensuite à la fin saisissante de la Mise au Tombeau. Personne n’est allé aussi loin, d’abord par le fait même qu’au moyen du désaccord de la guitare, Zad Moultaka retrouve les quarts de tons de la musique arabe et du oud, deux instruments en un, synthèse d’Orient et d’Occident. Ensuite parce qu’à la fin de l’œuvre, dans la quatorzième station, c’est toute la guitare qui dégringole vers un accord d’une sombre beauté, plus d’une quinte plus bas que sa téssiture normale ! Cette séquence demande un contrôle absolu de la modification de l’accord, sans quoi la pièce serait ruinée par une descente chaothique –aux enfers, vraisemblablement ! Et c’est cette fin unique, si elle est réussie, qui donne rétrospectivement un sens à l’œuvre, de même que la Résurrection, dans la symbolique chrétienne, donne tout son sens à la Passion.
Pablo Marquez
Calvario pour guitare et sons fixés
de Zad Moultaka, compositeur
par Pablo Márquez, guitare
premier opus de la collection « œuvre par œuvre »
Direction artistique : Zad Moultaka
Son : Thomas Vingtrinier
studio Sequenza, Montreuil
Photographies : Catherine Peillon
EDN001
3760002142876
La partition et les sons fixés sont disponibles sur qobuz.com
Calvario pour guitare et sons fixés partion
http://www.qobuz.com/album/zad-moultaka-calvario-partition-et-sons-fixes-zad-moultaka/3760002142883
La partition imprimée est disponible sur papier ivoire.
Informations : onoma.edition@gmail.com
ZAD MOULTAKAZad Moultaka, né au Liban en 1967, poursuit depuis plusieurs années une recherche personnelle sur le langage plastique et musical. Dans son travail de compositeur, il intègre les données fondamentales de l’écriture contemporaine occidentale – structures, tendances, familles et signes – aux caractères spécifiques de la musique arabe – monodie, hétérophonie, modalité, rythmes, vocalité… LIRE LA SUITE
PABLO MARQUEZDéfricheur de répertoires audacieux, à l’aise autant dans les œuvres anciennes que dans la riche littérature des XXe et XXIe siècles, ou bien encore dans la musique traditionnelle argentine, Pablo Márquez est l’un des guitaristes les plus sensibles et les plus doués de l’actualité. Son intelligence musicale et sa technicité hors pair en font un créateur recherché par les compositeurs vivants. LIRE LA SUITE
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